Les Juifs du Pape

Découvrez l'histoire et la vie de la communauté juive du Comtat Venaissin et de Cavaillon ainsi la Synagogue. Une communauté en exil, chassée et qui se retrouve en Provence

Page mise à jour le 24/04/2023

Les juifs dans le Comtat Venaissin : les carrières des juifs

En plein Moyen-Âge, la communauté juive se retrouve en exil, en effet tous les royaumes européens vont les chassés de leurs terres. Néanmoins, il y a un souverain qui accepte de les accueillir : le pape. C’est pourquoi lorsque, au début du XIVe siècle, la communauté juive est chassée du royaume de France elle se dirige en Provence, aux portes du Comtat Venaissin.

Expulsion des juifs

Expulsion des Juifs (portant rouelle) en 1182. Miniature des Grandes Chroniques de France.

Emigration des Juifs vers le Comtat Venaissin

Le souverain pontife, en plus de les accueillir, assurent aux juifs sécurité et liberté de culte ; néanmoins, ce n’est pas sans contraintes et tentatives de les convertir !

Au milieu du XVe siècle, une de ses contraintes est de vivre de manière regroupée au sein de la ville, ou village, donnant ainsi lieu à ce que l’on nomme des juiveries ou carrière des juifs. Le mot carrière vient du provençal carriera qui signifie la rue. Il va sans dire que lorsque l’on parle des carrières des juifs cela peut être une rue, mais aussi un quartier entier.

Porte de l'ancienne Juiverie - Malaucène

Porte de l'ancienne Juiverie, Malaucène - ©Robert Caillet / Public domain

Rue Hébraïque - Cavaillon

La rue hébräique de Cavaillon en 1898, Fonds Jouve

À Cavaillon le mot de carrière prend tout son sens puisqu’en effet la communauté était installée dans l’actuelle rue Hébraïque, et uniquement cette seule rue ! On sait que celle-ci était fermée par un mur à un bout (côté rue de la République) et qu’il existait une porte à l’autre bout de la rue (côté rue Chabran) ; en effet s’ils étaient libre le jour, il n’en était pas de même la nuit. Si bien qu’un garde de la communauté était présent pour surveiller cette porte ; et plus tard la communauté devra payer un garde cette fois chrétien pour garder l’autre côté.

Cette rue, qui restera fermée jusqu’au XVIIIe siècle (jusqu’à ce que le Comtat Venaissin soit rattaché à la France et que ces règles disparaissent), a compté jusqu’à 200 personnes ! Ils vivaient dans des conditions d’hygiène parfois épouvantables puisqu’il n’y avait aucune évacuation des eaux sales et ordures…

Limités dans leur lieu de vie mais pas que…

S'ils n’ont pas le droit de vivre partout dans la ville, il n’y a pas que cette restriction. Une autre des restrictions porte sur les métiers. En effet, les juifs n’avaient pas le droit d’exercer tous les métiers. Seuls 3 d’entre eux leur étaient autorisés : l’usure (c’est-à-dire le prêt d’argent, interdit pour les catholiques), la friperie (travail des vêtements usagés) et la brocante (travail avec les matériaux de récupération).

Prêteurs juifs en France, manuscrit enluminé, XIII° s.

Prêteurs juifs en France, manuscrit enluminé, XIII° s.

« Médecin juif » - See page for author / CC BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0)

Symboliques et rituels - Le Mikvé

Mikvé est un mot hébreu ; c’est un bain rituel qui est très important dans la vie religieuse juive. En effet, il permet de se purifier le corps autant dans des moments de la vie quotidienne que dans les moment de la vie religieuse. Le mikvé a, la plus part du temps, l’apparence d’un puits ; aujourd’hui les mikvaot récents prennent la forme d’une piscine. Bien qu’il puisse paraître ordinaire dans sa forme, il occupe une place fondamentale au sein de la religion juive.

Mais d’où vient cette eau ?

En effet, n’importe quelle eau dans un puits ne peut pas faire office de mikvé. Il est important que cette eau provienne de manière naturelle (océans, mers, sources, rivières, lacs) et qu’elle puisse se renouveler (pas d’eau stagnante) ; en effet, pour les juifs, cette eau naturelle contient des origines divines, aux pouvoirs purificateurs. C’est pourquoi les règles de construction d’un mikvé sont à respecter avec précision :

- Une construction à même le sol, être intégré aux fondations d’un bâtiment.

- contenir minimum 760 litres d’eau

Le mikvé de cavaillon est l’un des plus anciens du territoire français et a été classé au titre des monuments historiques le 17 avril 2007. Il se situe sous la cour de la maison mitoyenne à la synagogue, au sous-sol de cette dernière ; pour des raisons de sécurité, il n’est plus accessible au public.

Le bassin d’immersion est situé à 7 m de profondeur, il est alimenté par la nappe phréatique, et il est accessible par un escalier.

Mikvé Cavaillon - Vue du bain - © Guyonnet, François, ADLFI (2007)

Les synagogues ne sont pas uniquement un lieu de culte. C'est le centre de vie communautaire dans les « carrières » ; elles servent de lieu de prière, d'études de la Torah (talmud), d'école pour les enfants, c'est aussi le « siège » administratif de la communauté (état civil, etc.).

Mikvé - © F. Guyonnet

Des signes pour les reconnaître

En 1215, le pape Innocent III convoque les évêques pour une réunion : le concile de Latran. Ce pape, qui avait la charge de protéger la communauté juive, voit néanmoins en elle les assassins du Christ. Ce concile va donc mettre en place un ensemble de règles à l’encontre des juifs et de la communauté.

Trois axes se dégagent :
- les juifs ne doivent avoir aucune autorité sur les chrétiens, ils sont donc exclus de toute fonction publique
- leur culte ne doit connaître aucune extension
- les chrétiens doivent éviter leurs contact

Pour que le dernier soit réalisable, il faut les distinguer du reste de la population. Et pour cela on va leur imposer le port d'un signe particulier : ce sera la rouelle en tissu de couleur jaune. Dans le Comtat Venaissin on l’appelle le petassoun.

rouelle

Enluminure sur un manuscrit du Moyen-Age : vers 1460, un juif allemand porte la rouelle. Manuscrit Add. 14762, British Library, Londres

Juif allemand portant la rouelle

Juif allemand portant la rouelle. Manuscrit médiéval (c.1476) - Manuscript Add. 14762, British Library, London

Pourquoi ce choix ?
À quoi la rouelle fait-elle allusion ?

Cette dernière symboliserait les trente deniers de Judas. La rouelle se porte sur la poitrine à gauche. Plus tard, on imposera le port d’un chapeau jaune pour les hommes ; et pour les femmes, la roue est souvent remplacé par une voile, un foulard, un ruban dans les cheveux de couleur jaune.

Pourquoi la couleur jaune ?

Dans les arts et depuis longtemps, cette couleur symbolise la traîtrise, les félons ; c’est aussi la couleur du manteau de Judas dans les représentations artistiques.

À partir du moment où on leur donne un attribut distinctif, on va retrouver cette représentation dans les gravures, les peintures. Mais la rouelle jaune n’est pas le seul élément. Sur ce dessin du XVIe siècle, vous pouvez voir la représentation d’un homme et d’une femme de confession juive.

Outre la rouelle jaune accrochée à leur vêtement, vous pouvez voir d’autres symboles que l’on rattache souvent aux juifs : la bourse de pièces (qui fait référence à l’usure, l’avidité, et aux deniers de Judas), l’ail (très présent dans la cuisine juive), et l’oie (qui symbolise la corruption)

La synagogue de Cavaillon

Savez-vous que le Vaucluse abrite les deux plus anciennes synagogues de France ? La première se trouve à Carpentras (1367) et la seconde à Cavaillon (1494).

De cette première synagogue de Cavaillon, il ne reste que les fondations, la salle du bas et une tour visible depuis la rue Chabran. Dans cette salle basse on y trouve la boulangerie ; mais attention celle-ci n’est que pour la confection du pain non levé de la Pâques juive (Pessah).

Cependant cette synagogue est devenue trop étroite et vétuste, elle fut donc agrandie au XVIIIème siècle. Il en ressort une organisation intérieure spécifique par rapport aux autres synagogues : la nouvelle salle de l’étage est réservée aux hommes, n’ayant pas plus de place, les femmes seront dans la salle du bas c’est-à-dire la boulangerie (un mince plancher séparant les étages et permettant aux femmes de très bien entendre ce qui se passait au 1er).

Synagogue de Cavaillon

Synagogue de Cavaillon

Synagogue de Cavaillon

Vue intérieure

Cette synagogue du XVIIIe siècle présente également une originalité concernant son aménagement intérieur et sa décoration. En effet, les juifs n’ayant pas le droit d’exercer tous les métiers, ce sont des artisans chrétiens qui ont construit l’édifice.

On a alors un art baroque provençal qui s’exprime au travers des motifs végétaux (branches d’oliviers) et architecturaux (chapiteaux corinthiens).

Les couleurs et les dorures font bien plus penser à un boudoir de femme de la cour qu’à un lieu de culte.

Synagogue - OT LCDP

Au niveau de l’aménagement intérieur le baldaquin sur l’étage qui abrite la table de lecture (Teba), fait penser à la chaire du prêtre dans les église ; dans les synagogues usuelles, cette teba se trouve à côté du lieu où la Torah est rangée.

Petite curiosité ! Un fauteuil est suspendu dans un angle de la pièce, sur un petit nuage. Mais à quoi sert-il ? Selon la tradition juive, le prophète Élie n’est pas vraiment mort ; il doit un jour revenir pour annoncer la paix et le bien dans le monde à venir. En raison de son retour, un fauteuil est toujours laissé vide.

Synagogue de Cavaillon

Fauteuil d'Elie - ©Matthieu Raffier

Syangogue de Cavaillon

Chandelier à 7 branches

Les synagogues ne sont pas uniquement un lieu de culte. C’est le centre de vie communautaire dans les « carrières » ; elles servent de lieu de prière, d’études de la Torah (talmud), d’école pour les enfants, c’est aussi le « siège » administratif de la communauté (état civil, etc.).

Galerie photos

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Edit_du_roi_de_France,_Louis_VII,_banissant_du_royaume_les_juifs_relaps_sous_peine_de_mutilation_ou_de_mort._-_Archives_Nationales_-_AE-II-154.jpg
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